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VOCATION DES OBJETS INCORPORES PAR L’USUFRUITIER

A LA FIN DE SON DROIT

  

P. SALUMU ONGALA  

RESUME

 

Que deviennent les objets incorporés par l’usufruitier foncier à la fin de son droit ? Mécaniquement la loi décide : sans indemnité, propriété de l’Etat si leur(s) auteur(s) ne les enlève(nt) pas ! Dans quel délai ? Cette solution est-elle juste ? Le présent article colmate toutes ces carences avec des propositions propres à (r)établir les parties dans la justice et améliorer le climat des affaires.

 

INTRODUCTION

 

                        Comparativement aux autres institutions discutées par l’Assemblée pendant les séances plénières, l’usufruit entant qu’une institution nouvelle dans la législation Zaïroise, avait provoqué un débat assez long1, très probablement puisque ceux qui étaient appelés à voter le texte l’ignoraient et vraisemblablement même ceux qui conduisaient cette institution se trouvaient fort malaisés quand il fallait appliquer l’usufruit aux biens fonds ; ce qui, largement, explique que le dispositions sur cette matière semblent hélas élémentaires.

 

                        L’usufruitier acquiert de la loi certains attributs sur un bien dont un autre est propriétaire et peut, pour diverses raisons créer une immobilisation sur le fonds grevé d’usufruit. Les immeubles par destination constituent une matière bien complexe en droit. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le nombre effrayant d’arrêts de cours et tribunaux dans les revues et recueils tels que  revue trimestrielle de droit civil, recueil SIREY. Les conflits opposent généralement le vendeur à l’acheteur, l’administration du fisc aux contribuables, le bailleur au preneur2.

 

C’est le Code Napoléon qui, le premier, a formulé cette distinction entre les immeubles corporels et les autres par leur destination que la loi foncière définit suffisamment comme : « les objets placés par leur propriétaire dans un immeuble qui lui appartient ou sur lequel il exerce un droit réel immobilier qui est de nature à lui permettre d’user ou de jouir de l’immeuble soit pour les nécessités dudit immeuble, soit à perpétuelle demeure pour son utilité ou son agrément3». Observons tout de suite que le législateur de 1973,  manifestement préoccupé par les problèmes de gestion du domaine foncier de l’Etat, n’a règlementé que les droits autonomes, c'est-à-dire des concessions perpétuelles et ordinaires. Le but de l’immobilisation par destination, faut-il le reconnaître, est de procurer une plus value à l’immeuble d’attache, ce qui logiquement donne à penser qu’elle a beaucoup plus un caractère purement économique ; mais l’usufruit est après tout un droit temporaire !

 

                        La présente étude se propose ainsi d’analyser le sort des objets incorporés par un usufruitier foncier à la fin de son droit. Dans cette perspective, il y a raison et intérêt à s’interroger si les objets placés par l’usufruitier acquièrent le statut d’immeuble par destination uniquement pendant le temps d’exerce de son droit ou s’ils conservent leur nature mobilière, sachant qu’il les enlèverait à l’expiration ; mais s’il ne les enlève pas, parce qu’étant éventuellement attachés à perpétuelle demeure, est-il autorisé qu’il lui soit versé une indemnité compensatoire ?

 

                        Pour cerner les contours et enjeux de ce problème, il convient d’abord d’analyser les caractères de l’usufruit (I), avant d’examiner les droits et obligations de l’usufruitier (II).

 

 

I. CARACTERES DE L’USUFRUIT

 

                        L’usufruit foncier est le droit pour le détenteur d’un droit réel de jouir d’un fond à lui concédé par l’Etat pour les besoins de son titulaire (usufruitier) et de sa famille. Sur ce fonds, il peut y avoir des constructions qui ont été faites dans le respect de la destination du terrain. C’est le cas d’une concession perpétuelle ou ordinaire que l’Etat aurait acquise faute de successibles. Le fonds ainsi mis en valeur appartient au domaine foncier privé de l’Etat qui peut en disposer.

 

Charmantier perçoit l’usufruit comme un droit réel, viager en vertu duquel son titulaire (l’usufruitier) a le pouvoir d’user et de jouir de biens corporels ou incorporels appartenant à une autre personne (nu-propriétaire), tout comme celle-ci en jouirait, mais à charge d’en conserver la substance4. Il est, écrivent Raymond Guillien et Jean Vincent, un droit réel principal, démembrement du droit de propriété qui confère à son titulaire le droit d’utiliser la chose et d’en percevoir les fruits, mais non celui d’en disposer lequel appartient au nu-propriétaire5. Pour sa part, le doyen Cornu l’appréhende  comme un droit réel, par essence temporaire, dans la majorité des cas viager, qui confère à son titulaire l’usage et la jouissance de toutes sortes de biens appartenant à autrui, mais à charge d’en conserver la substance, qui est présenté comme un démembrement de propriété, en tant qu’il regroupe deux attributs démembrés du droit de propriété6. De Juglart le saisit comme un droit réel au maximum viager conférant à son titulaire l’usage et la jouissance d’une chose qui appartient à autrui ou d’un droit dont une autre personne est titulaire, il est susceptible de possession7.

 

                        Les différents élément compris dans ces appréhensions appèlent un bref commentaire : L’usufruit est un droit réel, parce qu’exercé par l’usufruitier directement sur le bien immeuble à lui concédé dont la propriété est dévolue à l’Etat. Il en résulte notamment que l’Etat est tenu d’accorder une libre et paisible jouissance à l’usufruitier ; l’usufruit est, en outre, un droit temporaire et au maximum viager. Lumpungu enseigne à ce sujet qu’on peut accorder à l‘usufruit une durée quelconque, mais l’usufruit ne dépassera jamais la durée de vie de l’usufruitier2.

 

                        La loi dispose ici que l’usufruit ne peut être stipulé pour un terme excédant 25 ans ; ce terme est renouvelable. Initialement, faut-il le noter, ce terme n’avait pas été admis d’emblée. Une partie de l’opinion de l’Assemblée voulait lier la durée de l’usufruit à la durée de la vie de l’usufruitier. Lors des débats, l’intervention suivante s’est fait entendre : « j’ai demandé la parole compte tenu du caractère social du problème que nous discutons. Quant un bienfaiteur ne m’aide que pour la durée de 25 ans, il limite ma vie. Après cette période, on ne peut même pas parler d’un renouvellement du contrat (…). Je souhaiterai que cette phrase disparaisse et que l’on laisse la latitude à ce bienfaiteur de prolonger la durée du contrat parce que je peux vivre plus de 25 ans. Pourquoi ne pas m’accorder encore cinq ans (…), est-ce parce que vous êtes sûr qu’à 25 ans vous viendrez me tuer ? Sinon, autant maintenir le terme "renouvelable" ». L’Assemblée devait alors se prononcer sur le terme à fixer à l’usufruit et trouver un moyen de prolonger la jouissance au cas où l’usufruitier restait en vie1.

 

                        La lecture des brouillons de la loi permet de dire que l’argument qui a décidé du terme à 25 ans était tiré de l’opinion formulée par le bureau politique en ce qui concerne toutes concessions ordinaires. Si alors dans le texte présenté à la séance plénière, le terme maximum fixé à l’usufruit n’était pas renouvelable, la commission pensait laisser la dernière décision à l’Assemblée. Celle-ci, à l’imitation des termes des autres concessions ordinaires, décida par vote du renouvellement de l’usufruit. Ainsi l’usufruit devint un droit temporaire, limité dans le temps et interdit d’être concédé à l’infini. L’usufruit ainsi constitué s’éteint par la mort de l’usufruitier avant l’expiration du terme convenu3.

L’on voit bien que l’usufruit s’éteint comme un droit viager et personnel ; personnel parce que le législateur lui a consacré intransmissibilité et incessibilité.

 

                        Mentionnons ici que l’usufruit peut être consenti à la fois à plusieurs personnes qui peuvent en jouir à tour de rôle. Dans ce contexte, l’usufruit cessera à la mort du tout dernier usufruitier. Tant que celui-ci ne pas mort, l‘usufruit persistera. Il peut également être concédé à plusieurs personnes successivement. Quand il est ainsi consenti, chaque personne tient son droit de celui qui a consenti à ce droit et non de celui qui a joui avant lui-même.

Passons tout de suite à l’examen des droits et obligations de l’usufruitier.

 

 

II. DROITS ET OBLIGATIONS DE L’USUFRUITIER

 

                        Remarquons prima facie que l’usufruit peut porter sur une chose ou sur l’ensemble d’un patrimoine ou sur une fraction d’un patrimoine. On dit alors qu’il est universel ou à titre universel ou encore à titre particulier. Renard a pu écrire à ce sujet : « On entend par usufruit universel celui qui porte sur l’universalité d’un patrimoine et l’usufruit à titre universel celui qui porte sur une quotité de l’universalité d’un patrimoine ou sur tous les immeubles ou tous les meubles ou sur une quotité des uns et des autres8 ». De façon générale, l’usufruitier :

 

f    A le droit de jouir des fruits matériels, civils et industriels outre son droit de jouissance du fonds. Cependant, il peut exercer certains droits selon les clauses du contrat ;

f    Est propriétaire de tout ce qu’il a incorporé au sol jusqu’à l’extinction de son droit.

Quand à ses obligations, il en a principalement deux :

f    Jouir des biens en respectant leur destination ;

f    Conserver les biens dans leur état.

 

Notons enfin que les parties ont la liberté de fixer d’autres obligations que l’usufruitier sera tenu de respecter.

 

Dans le cas d’usufruit à titre onéreux, l’usufruitier doit payer à l’Etat une redevance égale au moins au quart des recettes. Elle peut être remplacée par un paiement en nature ou en service.

 

 

 

III. TERMINAISON DE L’USUFRUIT ET SORT DES OBJETS INCORPORES

 

L’usufruit, faut-il le rappeler, est un démembrement de la propriété. Quand bien même il ne devrait pas porter atteinte à la nature réelle de la propriété, il faut cependant noter que ses deux attributs  (le pouvoir d’user et le pouvoir de jouir), confèrent à leur titulaire de larges prérogatives dans la gestion du fonds, pendant que condamné dans sa situation nouvelle « la nue- propriété », le propriétaire ne conserve comme unique attribut que le pouvoir de disposer.

 

On a pu écrire à ce sujet, que tant que l’usufruit dure, il y a vraiment sur la chose deux droits réels juxtaposés, différents et distincts quoique complémentaires. Il n’y a donc pas d’indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. (…)9. Weill pense que chacun d’eux est titulaire des prérogatives de la propriété démembrée. Mais chacun a un droit réel exercé directement sur la chose (…), il n’y a pas communauté mais bien réparation d’intérêt entre l’usufruitier et le nu-propriétaire10. A vrai dire, conclut  Carbonnier, l’usufruit et la nue-propriété sont deux droits réels parallèles qui se côtoient en s’ignorant11. Mais cette compagnie est appelée à prendre fin un jour. L’usufruit concédé par l’Etat s’éteint par :    

 

f    L’arrivée à terme ;

f    La mort de l’usufruitier ;

f    La déchéance pour abus de jouissance ou pour l’inexécution d’obligations.

 

La fin de l’usufruit entraîne pour conséquence que le propriétaire qui est l’Etat récupère de plein droit la jouissance de son bien, qui fut accordé temporairement à l’usufruitier. Les droits et avantages économiques de la chose viennent se regrouper automatiquement entre les mains de son propriétaire et un règlement des comptes s’impose. Mais que deviennent, les valeurs incorporées par l’usufruitier sur le fond ? La loi réplique : « A l’extinction de l’usufruit, l’usufruitier ou ses ayants droits peuvent enlever ce que l’usufruitier  a incorporé au sol. A défaut, ces biens sont délaissés et sont acquis à l’Etat sans qu’il soit tenu à indemnité 3». 

 

APPRECIATION CRITIQUE ET SUGGESTIONS

 

La solution de la loi de considérer les meubles incorporés non enlevés pas leur(s) auteur(s) comme « délaissés » et donc propriété de l’Etat, sans indemnité parait très choquante, ruineuse et gravement critiquable au regard du droit et de l‘économie.

 

Sous l’angle juridique, en effet, la loi donne plutôt l’impression que le contrat s’est mal terminé. Elle ne détermine malheureusement pas à quel moment ces biens  seront considérés comme « délaissés » ; et qui pis est, elle ne fixe même pas le moment ad quem. Cette lacune, bien regrettable, condamne à une série d’interrogations. Est-ce au moment de l’ouverture de la succession au cas où le decujus aurait laissé des héritiers ? Est-ce le jour même de la terminaison du contrat ? Les carences à colmater sont évidentes.

En outre, quelle est la nature juridique du mécanisme par lequel les biens incorporés non enlevés passeront de la puissance de leur(s) légitime(s) propriétaire(s) au patrimoine de l’Etat ? La décision de considérer ces biens comme « délaissés » et donc propriété de l’Etat, procède-t-elle de l’application de la règle « accessorium principale sequitur » ? S’agit-il d’une expropriation pour cause d’utilité publique ? Même alors, peut-il y avoir une expropriation de plein droit et sans indemnité ! En cette matière, faut-il le mentionner, la loi oblige d’ailleurs l’administration au paiement de l’indemnité à l’administré dans un délai de 4 mois à dater du jugement fixant les indemnités. Passé ce délai, l’exproprié pourra poursuivre l’expropriant en annulation de l’expropriation, sans préjudice de tous les dommages et intérêts, s’il y a lieu12. S’agit-il alors d’une sanction ? Et pour quelle faute ! Même alors, pourquoi ne pas envisager la possibilité par l’usufruitier fautif de reprendre ses biens après réparation de sa faute ? De toute évidence, l’on voit bien que cette mesure légale ne dit pas son nom et aucun nom ne lui convient.

Il est évident qu’à la fin de l’usufruit, l’Etat qui n’avait jusqu’ores que l’abusus, reprend les deux autres attributs qui lui avaient été imputés au profit de l’usufruitier. Ainsi, par principe, tous les attributs de la propriété reviennent dans la puissance de l’Etat. Est-ce pour autant, qu’aussitôt, tous les biens incorporés par l’usufruitier qui constituent l’accessorium suivent le principale constitué par le fonds, s’en confondent et deviennent par ce fait même propriété de l’Etat ! Une pareille solution ne serait-elle pas trop brutale !

Par ailleurs, la loi recourt au verbe « pouvoir » pour désigner la nature de l’action de l’usufruitier ou de ses ayants cause : « (…) l’usufruitier ou ses ayants cause peuvent enlever ce que l’usufruitier a incorporé au sol, à défaut, ces biens sont délaissés et sont acquis à l’Etat sans qu’il soit tenu à indemnité ».

 

Les habituels de la légistique s’étonneront que la loi emploie le verbe « pouvoir » pour désigner une action dont l’option contraire est lourdement sanctionnée par la perte du bénéfice d’indemnité. Le verbe « pouvoir » s’emploie dans la légistique pour exprimer une option, une faculté, une possibilité et non une obligation. Il suppose que le sujet a le choix entre deux ou plusieurs solutions. Ainsi, logiquement, si l’Etat, à ce que cela  parait être, n’envisage que l’unique possibilité par l’usufruitier d’enlever les biens qu’il a incorporés, faute de quoi, il les perdrait, n’aurait-il pas pu employer le verbe « devoir » qui est beaucoup plus injonctif, beaucoup moins facultatif ! En disant « peuvent », la loi crée une présomption d’option ou de pluralité de choix, mais qu’elle n’honore pas et trahit vite car, elle exclut fatalement d’autres possibilités pour l’usufruitier, comme s’il ne peut pas y en avoir. Elle semble plutôt donner avantage à une seconde présomption de délaissement ou de renonciation des biens ils ne sont pas enlevés.

 

Sur un autre versant, en passant, l’usufruitier peut être déchu de son droit pour abus de jouissance ou inobservation des obligations. Il faut, cependant, observer que la loi foncière refuse de se prononcer sur le sort des biens que l’usufruitier aurait incorporés au sol pendant la période allant de l’entrée en jouissance du fonds jusqu’à cette déchéance. Cette lacune soulève des inquiétudes. Seront-ils saisis à titre de sanction ? Seront-ils acquis par l’Etat moyennant une indemnisation ou restitués purement et simplement ? Les carences sont évidentes.

 

Sous l’angle économique, refuser une indemnité à l’usufruitier, auteur des biens incorporés peut être interprété comme un acte à la fois ruineux et vénéneux pour le climat des affaires.

 

L’immobilisation par destination, faut-il à le rappeler, poursuit un but économique. L’usufruitier qui crée immobilisation espère ajouter une plus value et une grande capacité de production au fonds. Dans cette perspective, l’immobilisation est un acte d’investissement13, elle est la matérialisation de la transformation d’une épargne ou d’un emprunt en capital fixe dont la motivation est sans conteste l’accroissement du revenu14. La réalisation d’un investissement oblige assez souvent l’usufruitier à contracter un emprunt dont il accepte les conditions de remboursement dans une durée échelonnée. A la fin de son contrat, naturellement, l’usufruitier est placé devant un double choix : soit enlever les biens incorporés qui peuvent l’être, pour les revendre afin de régler ses factures ou récupérer son capital, soit ne pas enlever les biens incorporés qui ne peuvent être détachés du sol sans s’altérer et ou altérer le fonds d’attache. Crutzen enseigne à ce sujet que les biens immeubles par destination sont les biens meubles par nature déclarés immeubles par la loi soit par ce qu’ils ne peuvent être détachés du fonds sans être détériorés ou sans détériorer la partie du fonds sur laquelle ils sont attachés15. Ainsi, l’on comprend que redoutant la possibilité de la détérioration de son bien ou du bien fonds, ce qui, en particulier, constituerait une atteinte à l’état du fonds, l’usufruitier peut-il volontiers consentir à laisser ses biens (son investissement) à l’Etat espérant ainsi obtenir au retour une indemnité, car au final, à la fin de l’usufruit, l’Etat va continuer à exploiter et à tirer profit des actifs immobilisés par l’usufruitier.

 

Dans un tel contexte,  ainsi qu’on le voit, refuser une indemnité à l’usufruitier pour les biens incorporés est économiquement très calamiteux16 et pire, c’est une attitude susceptible de décourager ardemment les investisseurs ce qui, par effet d’entraînement, risque nécessairement de conduire à la fuite des capitaux, la baisse de la production, l’instabilité de la monnaie, au chaumage et polluer ainsi malheureusement le climat des affaires.

 

Sous le bénéfice de toutes ces critiques, il apparaît que, concernant le sort des biens incorporés par l’usufruitier foncier, la loi crée une injustice ruineuse pour le monde des affaires, le droit de l’usufruitier, trahissant malheureusement l’esprit de la Constitution  : « la propriété est sacrée ; l’Etat garantit le droit à la propriété individuelle  ou collective, acquis conformément à la loi ou à la coutume ; il encourage et veille à la sécurité des investissements privés, nationaux et étrangers, nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique est moyennant une juste et préalable indemnité octroyée dans les conditions fixées par la loi. Nul ne peut être saisi de ses biens qu’en vertu d’une décision prise par une autorité judiciaire compétente (…) 17 ».

 

La solution serait sans doute qu’à l’expiration du contrat, la loi consacre droit pour l’usufruitier de recevoir de l’Etat une indemnité juste et égale à la valeur vénale de ses actifs immobilisés qui ne sauraient être détachés du fonds sans se détériorer ou détériorer le fonds, faute de quoi, l’Etat devrait consentir à la continuité du contrat jusqu’au temps égal à la valeur des biens défalqués des redevances.

 

Toutefois, pour les biens immeubles qui peuvent être enlevés sans casse, la loi devrait créer l’option dévolue aux parties de déterminer leur vocation dans le contrat. Sinon, ils devraient  être enlevés par leur(s) auteur(s)  dans les quatorze jours qui suivent la fin de l’usufruit, faute de quoi, présumé renonciateur, l’usufruitier perdrait tout droit sur eux, ce qui les rendrait par ce fait même res derelictae.

 

Enfin, en cas de déchéance de l’usufruitier pour abus de jouissance ou pour inobservation des obligations, les biens incorporés par lui devraient constituer la valeur gagée pour cautionner le coût de la réparation des dommages de tous ordres subis par l’Etat sur le fonds du fait de la faute de l’usufruitier. Si cette option n’est pas convenue, l’usufruitier devrait être condamné par le tribunal à verser à l’Etat une indemnité pour compenser le préjudice subi. L’équité exigerait toutefois que cette indemnité soit fixée par une commission d’experts acceptée de commun accord par toutes les parties au contrat.  

   

CONCLUSION

 

Au Congo Démocratique, la loi foncière a retenu à l’instar du Code Napoléon la distinction existant entre les immeubles par nature et ceux par destination. Les immeubles par destination, en particulier, sont de part leur nature intrinsèque des meubles, c’est donc la fiction juridique qui change leur statut juridique en immeubles.

 

Le droit congolais admet que certains titulaires des droits immobiliers puissent créer des immeubles par destination à condition que le droit exercé sur l’immeuble leur permette d’user ou de jouir de l’immeuble. En d’autres mots, tous les titulaires des droits réels immobiliers, sauf bien évidemment le détenteur d’un droit hypothécaire, peuvent créer des immeubles par destination.

 

L’immobilisation qui ajoute une plus value au fonds d’attache vise à accroître son niveau de revenu mais en même temps, elle constitue un investissement et un véritable acte économique pour l’usufruitier. Mais l’usufruit reste un droit temporaire ; à sa terminaison, quel est le sort des biens incorporés par l’usufruitier ? Sans précaution ni délai, la loi tranche : Ils sont délaissés et acquis à l’Etat si leur(s) auteur(s) ne les enlève(nt) pas. Cette étude a montré, à la faveur de la critique de rationalité et de justice, que cette disposition est trop sévère, fatale, ruineuse pour les intérêts de l’usufruitier et pire, dérangeante pour le climat des affaires.

 

Ainsi, elle a suggéré, de lege ferenda, que la loi oblige l’Etat, acquéreur des biens incorporés à verser à l’usufruitier une indemnité juste et égale à leur valeur vénale. Sinon, il y a fort à parier, il y aurait pour l’Etat dangereuse souveraine injustice à percevoir ses redevances, reprendre son bien et s’approprier par surcroît les biens incorporés par l’usufruitier.      

 

 

REFERENCES 

 

[1].       Compte rendu analytique de la séance du 22 juin 1973, pp.18-26. Lire pour développements Annales parlementaires n°64 du 08 juin 1973, pp.33-45.

[2].       KALAMBAY LUMPUNGU, Droit civil, Vol II, Régime général de biens, PUZ, Kinshasa, 1984, pp.33 ; 245.

[3].       Loi n°80-008 du 10 juillet 1980 modifiant complétant la loi n°73-021 du 20 juillet 1973 portant régime générale des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés, pp. 8 ; 135 ; 136.

[4].       PERRAUD-CHARMANTIER (A.), Petit dictionnaire de droit, 2è éd., LGDJ, Paris, 1957, p.229.

[5].       GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, 12è éd., Dalloz, Paris, 1999, p.533.

[6].       CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 8è éd., PUF, Paris, 2000, p.889.

[7].       De JUGLART (M.), Les biens : droit de propriété et ses démembrements, Montchrestien, 1969, p.292.

[8].       RENARD (Cl.), Droit civil, les biens, la propriété et les droits réels principaux, 3è fascicule, PUL, Liège, SD, p.359.

[9].       MARTY (G.) et RAYMOND (P.), Droit civil : les biens, Sirey, Paris, 1965 p.80.

[10].     WEILL (A.), Droit civil : les biens, Dalloz, Paris, 1970, p.459.

[11].     CARBONNIER (J.), Droit civil : les biens et les obligations, TII, PUF, Paris, 1967, p.101.

[12]. Voir article 22, al.2 du décret du 24 juillet 1956 sur l’expropriation.

[13].     Lire à ce sujet Productivité et investissement [en ligne]. [Consulté le 16-05-2010]. Disponible sur http://www. campillo.chez-alice.fr

[14].     De WASSEIGE (Y.), Les mécanismes de l’économie moderne, E.V.O., coll. Humanisme d’aujourd’hui, Bruxelles, 1970, p.21.

[15].     CRUTZEN (A.), Cours de droit civil élémentaire, Ad.wesmael-charlier, Namur, 1960 p.25.

[16].     L’indemnité d’immobilisation [en ligne]. [Consulté le 16-05-2010]. Disponible sur hptt://www.cravatedenotaire.com

[17].     Article 34 de la Constitution du 18 février 2006.

 Mise en ligne 08/2010


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